Législation et protection du travailleur isolés en France

La législation française encadre strictement les obligations des employeurs en matière de sécurité des travailleurs. De l’évaluation des risques avec la tenue obligatoire du DUER  et la mise en place de mesures préventives, le Code du travail impose une série de responsabilités visant à protéger la santé physique et mentale des salariés.
La réglementation du travailleur isolé est à l’origine une transposition de la directive Européenne 89/391/CEE

Les travailleurs isolés, par leur situation particulière, sont exposés à des risques spécifiques qui nécessitent des dispositifs de protection adaptés et une vigilance renforcée. La formation continue, l’utilisation de systèmes DATI et l’élaboration de procédures d’urgence efficaces sont de bonnes pratiques sécurisantes.
Divers organismes de contrôle et d’inspection accompagnent les salariés et les employeurs afin de garantir un cadre de travail sain et sécurisé : Inspection du travail, CNAM, Carsat, INRS, etc.

Cadre général de la sécurité au travail en France

Un ensemble de principes vise à protéger les travailleurs contre les risques professionnels. Ces principes sont inscrits dans le Code du travail, qui constitue la base législative des mesures de prévention et de protection.

L’article L4121-1 du Code du Travail stipule que l’employeur doit assurer sécurité et environnement sain à chaque travailleur notamment avec :

  • Des actions de prévention
  • Des sessions d’information et de formation
  • Une organisation spécifique et des solutions adaptées

Les obligations générales comprennent :

  •  L’évaluation des risques (DUER)
  •  L’adaptation des postes
  •  Le suivi médical régulier des employés.

Évolution historique des normes de sécurité

loi du 9 avril 1898

La loi du 9 avril 1898 sur les accidents du travail a instauré une responsabilité automatique de l’employeur en cas d’accident.

Année 1970

Réformes apparues dans les années 1970 avec l’introduction du concept moderne de prévention dans le cadre professionnel. 

6 décembre 1976

La loi n°76-1106 du 6 décembre 1976 a vu naître le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), chargé d’analyser chaque cas de figure et de proposer des améliorations.

ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017

Suite à l’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social dans l’entreprise, le CHSCT a été remplacé par le Comité social et économique (CSE). Le CSE reprend les missions précédemment dévolues au CHSCT tout en intégrant un volet plus large concernant les relations sociales dans l’entreprise.

Textes de loi et Code du travail

L’article L4121-1 du Code du travail impose à l’employeur une obligation générale de sécurité. Le cadre législatif s’appuie également sur d’autres textes importants comme les décrets relatifs aux équipements de protection individuelle (EPI), les normes techniques (AFNOR) ou encore les directives européennes. Ces textes visent à harmoniser les pratiques au sein des entreprises tout en tenant compte des spécificités sectorielles.

Les articles du Code du travail, cités ci-dessous, détaillent les responsabilités spécifiques :

  • Article L4121-2 : Obligation pour l’employeur d’évaluer les risques professionnels (principe de prévention).
  • Article L4121-3 : Mise en œuvre des actions et de méthodes nécessaires pour prévenir ces risques.

Document unique d’évaluation des risques (DUER)

Le DUER constitue une obligation pour l’employeur de documenter et d’évaluer l’ensemble des dangers auxquels les employés peuvent être exposés dans le cadre de leur activité. Il est nécessaire et incontournable d’apporter régulièrement les modifications qu’il se doit dans le DUER.

Dans le cas des travailleurs isolés, ces documents permettent d’identifier précisément les dangers liés à leur situation de solitude, tout en tenant compte d’impossibilité immédiate d’assistance.

L’analyse doit inclure des mesures préventives adaptées, allant de la formation à l’utilisation de systèmes de protection, de communication et de surveillance.
Le DUER n’est pas seulement une formalité administrative, mais un outil essentiel pour améliorer la sécurité et la santé des travailleurs en situation d’isolement.

Droits et devoirs des travailleurs

Les travailleurs ont eux aussi un rôle actif à jouer dans la démarche sécuritaire. Le Code du travail leur confère plusieurs droits mais aussi quelques devoirs :

  • Droit à être informé : Les salariés doivent connaître les dangers liés à leur poste ainsi que les mesures pouvant y remédier.
  • Droit à la formation : Ils doivent être formés afin d’appliquer les bonnes pratiques.

En contrepartie, ils ont le devoir :

  • De respecter scrupuleusement toutes les consignes données par leurs supérieurs hiérarchiques concernant leur propre sécurité ainsi que celle collective.
  • D’utiliser correctement tous les équipements mis à leur disposition afin de minimiser toute exposition à un danger potentiel.

Spécificités pour les travailleurs isolés

En France, un travailleur est considéré comme isolé lorsqu’il exerce son activité hors de la vue et hors de l’ouïe d’autres personnes capables d’intervenir rapidement en cas de besoin.

Nous sommes tous concernés par le travail isolé, que ce soit de manière temporaire ou régulière, quel que soit notre secteur d’activité. En effet, l’isolement au travail ne se limite pas aux métiers à risques, il peut survenir dans des situations du quotidien, souvent sans que nous en ayons pleinement conscience : lors d’une ouverture ou fermeture d’un magasin, des dossiers à terminer tardivement après le départ des collègues, etc. Tout comme les interventions sur des sites éloignés, les missions itinérantes, les surveillances nocturnes ou encore les travaux de maintenance dans des zones confinées, ces situations exposent à un certain degré d’isolement.

Loin d'être une problématique réservée à certaines professions, l’isolement au travail nous touche tous !

Textes de lois abordant/concernant le travail isolé

Le travail isolé est abordé dans les textes de lois suivants :  

L’article R4543-19 : “Un travailleur isolé doit pouvoir signaler toute situation de détresse et être secouru dans les meilleurs délais.”

L’article R4512-13 du Code du travail : “Lorsque l’opération est réalisée de nuit ou dans un lieu isolé ou à un moment où l’activité de l’entreprise utilisatrice est interrompue, le chef de l’entreprise extérieure intéressé prend les mesures nécessaires pour qu’aucun travailleur ne travaille isolément en un point où il ne pourrait être secouru à bref délai en cas d’accident.”

BON À SAVOIR : La réglementation française accorde une attention particulière aux travailleurs isolés effectuant des tâches de nuit (entre 21 heures et 6 heures).  Certaines conventions collectives obligent les employeurs à fournir des dispositifs de sécurité adaptés, comme des systèmes d’alarme et des moyens de communication efficaces. 

Citons également l’article R4543-20 et l’article L4543-21 qui apportent des précisions sur certaines tâches ou certains domaines d’activité.

Risques spécifiques

  • Risques physiques : Chutes, blessures liées à l’utilisation de machines ou d’équipements.
  • Risques psychosociaux : Stress accru dû à l’isolement, sentiment de solitude pouvant mener à une détresse psychologique.
  • Risques environnementaux : Exposition aux conditions climatiques extrêmes ou aux substances dangereuses sans possibilité immédiate de secours.
  • Risques externes : Agression verbale ou physique 

FOCUS : L’isolement peut aggraver les conséquences d’un accident ou d’un malaise, car l’absence de collègues à proximité retarde souvent l’alerte et l’intervention des secours.

Mesures de prévention

Pour protéger efficacement les travailleurs isolés, il est indispensable de prendre en considération ces mesures préventives :

  • Évaluation des risques : identification des dangers potentiels et tenue du Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP).
  • Formation et information : procédures d’urgence, utilisation des dispositifs de protection et transmission des consignes à suivre en cas d’incident.
  • Investissement matériel : équipements de protection individuelle (EPI) et dispositifs de protection pour travailleur isolé (PTI) dont le DATI 

FOCUS :  L’employeur doit veiller à la conformité et au respect des normes en vigueur de chaque appareil. Il doit également assurer l’entretien courant.

Les DATI (Dispositif d'Alarme pour Travailleur Isolé)

Ces systèmes sont spécifiques à la PTI (Protection du Travailleur Isolé). Ils servent à : 

  • Donner une alerte automatique en cas d’immobilité prolongée ou de perte de verticalité
  • Géolocaliser rapidement le salarié
  • Communiquer en direct avec les opérateurs du centre d’alertes (mode “mains libres”)

FOCUS :  L’employeur doit veiller à la conformité et au respect des normes en vigueur de chaque appareil. Il doit également assurer l’entretien courant.

Bonnes pratiques pour assurer la sécurité des travailleurs isolés

Formation et sensibilisation​

Les employeurs doivent organiser régulièrement des sessions couvrant divers aspects tels que :

  • Apprendre aux travailleurs à reconnaître les dangers potentiels dans leur environnement
  • Enseigner les bonnes pratiques comme l’utilisation correcte des EPI ou des DATI
  • Former les employés aux actions à entreprendre en cas d’incident, y compris l’utilisation des dispositifs d’alarme et de communication.
  • Pratiquer des exercices de simulations et des tests de bon fonctionnement des systèmes d’alarme.

FOCUS : L’employeur doit afficher l’adresse du centre de secours le plus proche et les consignes de premiers soins.

Assurance du port des EPI et des DATI au quotidien

L’employeur doit s’assurer que le salarié utilise bien les EPI et les DATI mis à sa disposition.
Leur port en continu peut être indispensable pour certaines professions. Pour d’autres, le port sur un temps imparti dans la journée peut suffire.

Rôle et recommandations des organismes de contrôle et d'inspection

 Inspection du travail et ses missions

Les missions de l’Inspection du travail sont définies par le Code du travail, notamment par les articles L8112-1, etc. Les inspecteurs ont pour mission de veiller à l’application de la législation relative au droit du travail, y compris les normes de sécurité et de santé.
Leurs principales fonctions :

  • Contrôles réguliers : Effectuer des visites inopinées pour vérifier le respect des obligations légales 
  • Conseil et information : Informer les employeurs et les salariés sur leurs droits et leurs devoirs, les conseiller sur les mesures préventives.
  • Sanctions : En cas d’infraction constatée, ils peuvent dresser des procès-verbaux qui peuvent conduire à des sanctions administratives ou pénales.
  • Médiation : Intervenir pour résoudre les conflits liés aux conditions de travail

Les inspecteurs disposent également d’un pouvoir d’arrêt temporaire d’activité lorsqu’ils estiment qu’une situation présente un danger grave et imminent pour la santé ou la sécurité des travailleurs (article L4731-1).

 Inspection du travail et ses missions

L’INRS souligne que travailler seul ne représente pas systématiquement un danger ni un risque mais il met en avant le fait que l’isolement allonge le délai d’intervention puisque personne n’est susceptible de pouvoir avertir les secours rapidement. Dans certaines situations d’urgence, le temps peut jouer gravement sur les conséquences de l’accident.

Néanmoins, le port d’un dispositif DATI (dispositif d’alarme pour travailleur isolé) ne doit pas laisser penser que la sécurité du travailleur isolé est garantie. Le DATI fait partie d’une démarche globale de mesures liées à la prévention des risques sur les lieux de travail.

CNAMTS (Caisse Nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés)

La CNAMTS apporte des recommandations spécifiques sur le travail isolé notamment en termes de surveillance et de prévention.

Même si ces recommandations n’ont pas de valeur réglementaire, elles peuvent venir accentuer la responsabilité de l’employeur en cas de faute. 

La recommandation n° 252

Cette recommandation vise à dresser une liste des postes de travail dits isolés et d’autre part, de les répertorier par niveau de danger pour le travailleur. Il s’agit ensuite de réfléchir et d’établir des solutions : surveillance directe ou indirecte de jour comme de nuit, dispositif de télécommunications, etc.

EN SAVOIR PLUS

La recommandation n° 416 

Cette recommandation concerne le secteur “pierres et terres à feu du CTN”. Elle a pour vocation de supprimer ou de réduire le risque en prenant des mesures telles que :

  • Diminuer le nombre et la durée des interventions
  • Établir des consignes pour le personnel
  • Informer et former le personnel
  • Aménager l’environnement
  • Œuvrer pour la protection collective
  • Fournir des éléments de protection individuelle

autres organismes

Cette recommandation concerne le secteur “pierres et terres à feu du CTN”. Elle a pour vocation de supprimer ou de réduire le risque en prenant des mesures telles que :

  • Diminuer le nombre et la durée des interventions
  • Établir des consignes pour le personnel
  • Informer et former le personnel
  • Aménager l’environnement 
  • Œuvrer pour la protection collective
  • Fournir des éléments de protection individuelle

Les particularités liées à certaines conventions collectives

  • Convention collective nationale des opérateurs de voyage et des guides 

Article 16 – Accord du 20 octobre 2023 relatif au télétravail

  • Convention collective nationale des sociétés d’assistance

Avenant n°45 du 4 février 2020 relatif à la pénibilité du travail de nuit et du travail en équipes successives alternantes.

Autres éléments de documentation sur le travail isolé

  • Convention collective nationale des opérateurs de voyage et des guides 

Article 16 – Accord du 20 octobre 2023 relatif au télétravail

  • Convention collective nationale des sociétés d’assistance

Avenant n°45 du 4 février 2020 relatif à la pénibilité du travail de nuit et du travail en équipes successives alternantes.

Exemples de jurisprudence relative à la sécurité au travail